OKI-Logo L’Eglise catholique en Russie


Dostoïewski fait dire à Aljoša dans "Les frères Karamasov": Frères, aimez la création dans sa totalité, en chacun de ses éléments (…chaque feuille, chaque rayon de soleil, les animaux et les plantes). Si vous aimez chaque chose, vous comprendrez le mystère divin des choses. Si vous l’avez compris une fois, vous le connaîtrez chaque jour davantage et finalement vous embrasserez le monde entier dans votre amour.
Dans cet esprit d’unité du tout, de l’anima mundi, de la sagesse incréée, je me propose de contempler avec vous quelques éléments particuliers: l’Eglise catholique dans l’ancienne et la nouvelle Russie. Je me réjouis de porter avec vous le regard sur l’empire tsariste, sur l’Union soviétique et enfin sur la fédération de Russie.
On trouve sur ce thème un ouvrage très utile de 108 pages d’Ernst Christoph Suttner, Die katholische Kirche in der Sowjetunion, Würzburg 1992, ISBN 3-927894-09-5 ; du même auteur des articles se rapportant à ce thème dans le volume Kirche und Nationen, Würzburg 1997, ISBN 3-7613-0185-5.

1. Qu’entend-on par "Eglise catholique"?
L’expression Eglise catholique, dans ce contexte tout au moins, est ambiguë. Tout d’abord partez de l’idée que catholique est un nom propre pour l’Ecclesia Romana, pour la communauté oecuménique de toutes les Eglises locales, qui se sentent en pleine communion de foi et de juridiction avec l’évêque de Rome. C’est un emploi relativement récent du terme catholique.
Dans la confession de foi de Nicée-Constantinople catholique signifie l’ensemble de l’Eglise du Christ. La plupart des Eglises catholiques, évangéliques et orthodoxes le prient encore ainsi aujourd’hui, parfois avec la traduction mot pour mot de catholique, générale, conciliaire, sobornost ; en Allemagne certaines Eglises évangeliques dans la confession de foi lui préfèrent le terme de chrétien.
En 1962-1965, le concile Vatican II a rappelé cette compréhension catholique – donc large – du terme catholique: catholiques ne sont pas seulement les Eglises en union avec Rome, mais aussi les anciennes et vénérables Eglises d’Orient, que l’on appelle aujourd’hui "orthodoxes". En 1993, à la faculté de théologie de Balamant au Liban, la commission de dialogue orthodoxe-catholique a introduit ceci dans sa déclaration: … "L’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe se reconnaissent mutuellement comme Eglises-soeurs" (art. 13f).
L’archevêché catholique de Hamburg et l’évêché catholique de Passau sont donc aussi Eglises-soeurs en communion parfaite, l’archevêché catholique de Hamburg et l’évêché catholique de Riga sont "Eglises-soeurs en presque parfaite communion" (Pape Paul VI en 1967 au Patriarcat oecuménique à İstanbul).
On peut formuler ainsi: les catholiques sont les orthodoxes de l’Occident, les orthodoxes sont les catholiques de l’Orient. Et le vice-président du bureau des affaires extérieures du Patriarcat orthodoxe de Moscou, l’archiprêtre Viktor Petlju’enko présentait, il y a exactement un an, l’évêque catholique Josef Homeyer von Hildesheim à la communauté rassemblée dans une église paroissiale à Moscou en disant: "un évêque orthodoxe occidental" et il nous expliquait ensuite: "sous le terme de catholique, nous entendons ici des mauvaises gens, hérétiques, polonais, polémiques, anti-orthodoxes, c’est pourquoi…"
Le Pape Jean Paul II corrigea ceux qui dans l’expression "Eglises-soeurs" ne voulaient voir qu’une formule de politesse à l’encontre des Eglises orthodoxes ; le 5 Juin 1991, dans la cathédrale orthodoxe de Bialystok, il donna volontairement à cette expression le nom d’affirmation ecclésiologique.
Nous devons aussi considérer la différence dans la liturgie et la forme de vie au sein de l’Eglise catholique en Europe de l’Est: les "Latins" et les "Grecs" ou "Uniates", selon qu’ils célèbrent la liturgie dans la forme comme nous catholiques à Flensburg ou dans la forme des Eglises orthodoxes voisines. Les Latins s’appellent souvent en Europe de l’Est "catholique-romains", les Uniates "grecs-catholiques". Dans le langage officiel les deux sont "catholique-romains", nous parlons ici de ces deux groupes.

2. Qu’entend-on par "Russie"?
Bien que l’ancien empire des tsars et l’actuelle république de Russie portent le même nom, leur étendue territoriale diffère grandement, ce qui peut provoquer de graves malentendus.
L’empire des tsars était plus grand que l’Union soviétique d’après 1922, il s’appelait Russie et était gouverné de manière centralisée.
L’Ukraine actuelle est le noyau de l’ancienne Russie, et pourtant personne ne voudrait employer le terme de Russie pour l’Ukraine. Avec précaution, on utilise l’expression Rus’ – p. ex. 1000 ans depuis le baptême de la Rus’ 988-1988.
La fédération de Russie est une fédération de républiques, parmi lesquelles on compte la république de Russie. Cependant pour toute la fédération de Russie, le sigle du pays collé sur les voitures est RUS, et pour la poste c’est ROSSIJA.
A Bergen-Belsen on parle de cimetière russe au camp de concentration, sur les croix et les pierres tombales se trouvent beaucoup de noms et de lieux de naissance géorgiens et arméniens et turcs – mais où l’armée rouge pénétrait, les allemands disaient pareillement "le Russe arrive". Les émigrés rapportent, qu’en Russie on les apostrophait en tant qu’ "allemands", et qu’en Allemagne ils étaient appelés "Russes". Cela dépend donc du contexte.

3. L’Eglise catholique dans l’empire des tsars
Lorsque les grands Princes moscovites fondirent l’ancienne Russie au Moyen Age – les Rus’ –, la population était de manière homogène russe et orthodoxe. Déjà en 1547, lorsque les grands Princes moscovites adoptèrent le titre de tsar, le Royaume possédait à l’Est, en Sibérie de vastes territoires, dont la population autochtone n’était ni russe ni orthodoxe. A partir du 18e siècle le nombre de catholiques de Russie augmenta. Il y a deux raisons à ce phénomène:
– depuis Pierre I (1682-1725) la Russie s’est orientée vers l’Europe et s’est étendue à l’ouest et au sud sur des régions catholiques ;
– beaucoup de nouvelles régions étaient peu peuplées et la Russie devint un pays d’embauche et d’immigration pour les européens de l’ouest.
La Russie a, à l’ouest et au sud, des sujets catholiques, ensuite rapidement aussi en Sibérie par le bannissement et la migration intérieure. Aucun catholique n’est russe. La russification fut menée plus ou moins rondement. Les catholiques, jusqu’en 1905, n’avaient pas la pleine liberté religieuse, les nouveaux immigrants jouissaient de la situation la plus favorable.
Les polonais et les baltes étaient catholiques de souche. Ils pouvaient vivre leur propre vie ecclésiale.
Les uniates byzantins russes-blancs, les grec-catholiques étaient catholiques de souche ; les mesures prises par le gouvernement tsariste mit fin à leur vie ecclésiale autonome, après le premier partage de la Pologne en 1772, puis en 1839 et 1875 lors de partitions et occupations successives de la Pologne ils durent devenir orthodoxes. On mit fin aussi à l’autonomie des chrétiens orthodoxes, ils furent tous intégrés à l’Eglise d’état russe, pour les rattacher au nouvel état aussi par l’Eglise.
Lorsqu’après la révolution de 1905 en Russie la liberté religieuse fut accordée, beaucoup de descendants qui étaient devenus orthodoxes à cause des mesures étatiques, retournèrent à l’Eglise catholique, mais ils devaient adopter le rite latin. C’est ainsi que dans les régions qui constituent aujourd’hui la république de Russie blanche, à côté de catholiques polonais, il y a aussi des catholiques russes blancs.
Dans les Carpates il y a un grand évêché de ruthènes orthodoxes. Avant la première guerre mondiale ils étaient catholiques et sous la pression d’une magyarisation. Leur conscience ruthène "slave" se réveilla, ils se détachèrent de l’Eglise catholique marquée par l’influence hongroise et devinrent en bloc orthodoxes dans un évêché Muka’evo-Prešov créé par le Patriarche serbe.
Catherine II la Grande (1762-1796) alla chercher les allemands de la Volga. Parmi les immigrants de langue allemande, la moitié environ était catholique, naturellement ils étaient de tradition latine, dans leur colonie compacte au bord de la Volga, dans la région de la mer noire et en Bessarabie l’allemand était la langue habituelle.
En Volhynie des tchèques immigrèrent au 19e siècle, ils étaient catholiques ou hussites. Ils devinrent orthodoxes vers la fin du siècle, et parce que de ce fait leur autonomie ecclésiale diminuait, ils retournèrent dans leur patrie et contribuèrent de manière décisive à l’érection de l’Eglise orthodoxe en Tchécoslovaquie.
Les autres immigrants catholiques étaient moins nombreux, par exemple les français.
Pour l’instruction publique, particulièrement en Russie blanche, les Jésuites étaient importants. En 1773 le Pape Clément XIV sous la pression de la cour des Bourbons dissout l’ordre des Jésuites, après que les Jésuites aient déjà été chassé du Portugal, de France, d’Espagne et de Naples. La Grande Catherine refusa de publier l’interdit sur son territoire. C’est ainsi que l’ordre des Jésuites put survivre, grâce à sa liberté dans l’Empire des tsars ; le pape Pie VII le restaura de nouveau en Russie en 1801 et pour l’Eglise universelle en 1814.
Les régions orientales d’un diocèse catholique arménien avec un évêque à Lemberg revinrent aussi à la Russie par la partition de la Pologne. De même beaucoup de catholiques arméniens dans le Caucase, uniates et latins. Pour eux il n’y avait qu’un seul diocèse à Artwin.
Beaucoup de Géorgiens étaient catholiques, la plupart uniates. Ils durent ou bien devenir orthodoxes ou adopter le rite latin.
En faisant abstraction des nombreux diocèses dans la région de l’actuelle Pologne, il y avait vers 1800 dans l’Empire des tsars la métropolie Mogilev avec les évêchés de Lutsk, Vilna, Samogitien, Tiraspol (avec siège à Saratov). Saratov avait un évêque de langue allemande, Artwin un arménien, les autres évêques étaient d’influence polonaise. C’est pourquoi jusqu’à aujourd’hui dans le langage courant polonais et catholique restent synonymes. On désigne aussi une église catholique non pas avec le mot russe cerkov, mais avec le mot polonais kostiól (l’église luthérienne avec le mot "allemand" kirka, tous les trois se trouvent aussi dans le lexique moderne), et aussi les polonais désignent une église orthodoxe non pas avec leur mot polonais, mais disent cerkóv.
Parmi le peuple de l’état russe, le nombre des convertis était très faible. Seuls la plupart des émigrés adoptaient le rite latin. Depuis 1907 il y avait aussi une communauté de catholiques russes de rite byzantin, qui se dissimulaient sous le nom de vieux-croyants. A. Amman souligne expressément dans son "Esquisse de l’histoire de l’Eglise slave orientale" la différence entre cette communauté russe et l’Eglise uniate en Galicie qui remonte à l’union de Brest.
Tous les évêques catholiques étaient influencés par la théologie de leur temps – comment pouvait-il en être autrement? Ils étaient fermement convaincus que seuls les chrétiens soumis à l’autorité de l’évêque de Rome étaient vraiment fidèles à l’évangile.
Pas seulement les chrétiens dont la foi est faussée, les hérétiques, par ex. les protestants font quelque chose de faux, mais aussi ceux qui ont la vraie foi, comme les orthodoxes, font quelque chose de faux, lorsque ils ne vivent pas cette foi en union avec Rome. Les évêques catholiques (furent poussés par leur conscience et) mirent tout en oeuvre, à partir de la liberté religieuse en 1905, pour gagner le reste des anciennes communautés catholiques ainsi que de nouveaux catholiques russes. La raison principale de la conversion de russes à l’Eglise catholique était le grand mécontentement qui existait à cause du contrôle de l’état sur l’Eglise orthodoxe russe tandis que l’Eglise catholique moins servile par rapport à l’état jouissait d’une haute considération auprès de certains intellectuels russes à cause de sa plus grande liberté tant au niveau intellectuel que spirituel. Ils voulaient restaurer le patriarcat de Moscou qui avait été supprimé par Pierre I et qui faisait partie de l’ordre ecclésial orthodoxe traditionnel ; ils espéraient en cela avoir l’aide de Rome et du Pape contre le gouvernement russe.

4. L’Eglise catholique dans l’Union soviétique
Dans la jeune Union soviétique tout d’un coup il n’y eut pratiquement plus aucun catholique. Les catholiques de souche vivaient maintenant dans des états autonomes qui s’étaient détachés de la Russie. Les migrants allemands étaient à vrai dire de souche sur des territoires de l’Union soviétique, Volga, mer noire, Caucase, mais une minorité en voie de disparition, qui même dans leurs agglomérations ne constituait pas un facteur social important, et encore moins une population majoritaire.
L’armée russe avait occupé Lemberg dès le début de la première guerre mondiale et fait enfermer dans un couvent, à Suzdal, son métropolite catholique uniate Andreas Szepticky, du fait qu’il s’opposait au transfert forcé des catholiques uniates de Galicie dans l’Eglise orthodoxe. En mars 1917 Szepticky fut libéré, partit à St. Petersbourg et fonda un évêché catholique pour les uniates russes. Rome s’en étonna et le pria de retourner sur le champs à Lemberg – non seulement Szepticky appartenait à une nation qui était en guerre avec la Russie, mais en plus il était un sénateur autrichien. Rome craignait que le catholicisme qu’il répandait puisse être interprété comme antirusse.
Il n’y avait plus que deux évêchés catholiques dans l’Union soviétique, Mogilev et Tiraspol.
En 1924 parut un rapport sur l’Eglise catholique en Union soviétique. Il commence ainsi: "A l’étranger on s’imagine que les catholiques sont traités avec douceur par l’Union soviétique, parce qu’ils constituent une petite minorité en Russie et qu’ils ont des amis puissants à l’étranger. Mais avant tout, parce que les Bolcheviques espèrent pouvoir utiliser l’Eglise de Rome contre l’Eglise orthodoxe et réussir à contraindre le Vatican à envoyer un représentant diplomatique à Moscou" (H. Kaßpohl, Die Verfolgung, Paderborn 1926]. Effectivement en 1922, le Pape envoya un représentant à Moscou, pour des raisons humanitaires, en vue de soutenir la population affamée, sous la direction d’un clerc catholique américain. Alors qu’il était encore à Moscou, il y eut un procès-spectacle contre des évêques catholiques, qui s’étaient refusés à reconnaître le gouvernement propriétaire de tous les bâtiments d’Eglise, de livrer les vases liturgiques et de suspendre l’enseignement religieux.
Le religieux américain eut pour successeur un jésuite français, Michel d’Herbigny, qui devint plus tard évêque et qui tenta en 1926 de structurer la hiérarchie catholique en Union soviétique de manière multinationale, afin de lui ôter son empreinte polonaise. Cela aurait certainement conduit à ce que l’Eglise catholique fut mieux intégrée, tout au moins parmi les catholiques des différentes nations de l’Union soviétique. Mais, dès 1927 le dernier de ces hiérarques était en prison ou assassiné.
Dans les années trente, il n’y eut que deux communautés ecclésiales catholiques, une à Moscou et une à Leningrad.
L’évêque Michel d’Herbigny, qui exerça une influence importante sur la position de l’Eglise catholique envers la Russie dans ces années difficiles, avait hérité de la manière de voir des anciens convertis russes à l’Eglise catholique, qui considéraient l’organisation étatique de l’Eglise dans l’Empire des tsars comme le mal fondamental de l’Eglise russe. Il pensait que seule l’Eglise catholique en recueillant l’héritage de l’Eglise orthodoxe de Russie pouvait durablement sauvegarder le christianisme en Russie. Il cultivait ouvertement une sympathie pour l’"Eglise du renouveau" russe orthodoxe. Il ne rencontra ni opposition de la part du clergé catholique en Russie, ni contradiction de la part des ses collègues-évêques à l’ouest, jusqu’à ce qu’il soit démis de ses fonctions par le Vatican en 1933. C’est de son temps que fut fondé à Rome le Russicum et la commission "Pro Russia".
Le pacte entre Hitler et Staline avait fait passer beaucoup de régions catholiques pour une courte durée sous administration soviétique, la guerre entre l’Allemagne et la Russie changea de nouveau les frontières.
Staline se rappela le concept de patrie qui était en réalité très mal vu en Union soviétique et il se mit à parler tout d’un coup de grande guerre patriotique. La religion ne fut plus persécutée, si les groupements religieux soutenaient la guerre patriotique, ils pouvaient reprendre souffle. Cela demeura ainsi jusqu’à la déstalinisation sous Chruš’ov.
Pour les catholiques d’Union soviétique il était difficile de suivre l’appel à la guerre patriotique. Leurs patries venaient juste d’avoir été annexées à l’Union soviétique contre leur gré par Hitler et Staline. Avec les habitants des régions occupées qui se réjouissaient que les soviétiques soient repoussés, la force d’occupation allemande essayait de mette sur pied des unités militaires pour continuer la lutte contre l’armée rouge. Après la guerre évidemment la propagande soviétique anticatholique possédait là un argument de poids contre les catholiques.
Staline avait poursuivi la politique des tsars – l’Empire tsariste avait opprimé les catholiques. Staline avait poursuivi la politique russe – les catholiques en Union soviétique ne sont pas russes.
Mais après la deuxième guerre mondiale, les catholiques sont éparpillés dans toute l’Union soviétique, plus seulement dans les régions de souche catholique à l’ouest et dans les colonies d’européens occidentaux. Plus de trois millions de polonais furent déplacés des régions de l’ouest de l’Ukraine en direction de l’est. Les catholiques allemands de la région de la Volga se retrouvèrent au Kazakhstan.
Chez les croyants uniates en Russie blanche, après la victoire des allemands sur la Pologne un prêtre très cultivé fut nommé comme évêque, Anton Nemancevitsch (1893-1943). Il fut jeté en prison déjà par les allemands, en 1944 lors de la reconquête, les soviétique n’eurent plus besoin là d’entreprendre quelque chose contre les russes blancs uniates-catholiques.
Après la victoire sur le troisième Reich, nouvelle situation:
1. les catholiques en Union soviétique sont forts en nombre du fait des nouvelles conquêtes.
2. l’Eglise orthodoxe est mise à contribution pour servir la paix, elle peut conserver une certaine structure – avec d’éminents guides spirituels, qui cherchent à tirer parti de la situation au mieux pour le bien des croyants, au prix de difficiles cas de conscience – pour pouvoir donner à l’extérieur l’apparence de liberté religieuse. Derrière ce paravent, l’Eglise orthodoxe est brutalement persécutée, et sous Chruš’ov elle disparaît presque.
3. L’Eglise catholique est ouvertement persécutée. Cette persécution officielle épargne aux responsables de l’Eglise catholique toute coopération compromettante avec la puissance soviétique.
Outre les questions de population déjà évoquées, deux raisons ont fait que Staline n’ait jamais tenté d’utiliser l’Eglise catholique pour sa propagande de paix:
3.1. En hiver 1944/1945 les puissances, qui étaient sur le point de vaincre Hitler et l’Allemagne, préparaient la fondation de l’ONU. Le pape Pie XII profita de la traditionnelle allocution de Noël, pour exposer la doctrine sociale catholique sur le thème de la paix, de la justice entre les peuples, de la liberté et de la démocratie. Donc exactement les préoccupations pour lesquelles devait être fondée l’ONU. L’Eglise catholique ne voulait pas accepter sans mot dire que soit organisée les relations des peuples entre eux, sans référence aucune à l’expérience chrétienne deux fois millénaire. Si le peuple catholique, dans les nouveaux territoires conquis par Staline avait exigé l’application des valeurs chrétiennes rappelées par le pape, cela aurait été une opposition aux conceptions de Staline. Aussi le gouvernement soviétique déclencha dans la presse et à la radio une campagne nationale contre l’allocution de Noël. L’allocution fut qualifiée de soutien au régime finissant d’Hitler.
3.2. La deuxième raison était la déclaration du pape Pie XII en juillet 1949 sur l’incompatibilité du communisme-stalinisme avec le christianisme.
A partir de Chruš’ov il n’y avait plus qu’un seul séminaire catholique, à Riga. L’évêque catholique de Riga était pratiquement compétent pour l’ensemble territorial de l’Union soviétique. L’évêque Julian Voivods de Riga devint en 1983 le premier cardinal letton.
Dans les années 70, après la fermeture de presque toutes les églises orthodoxes par Chruš’ov, je vis quelque part une estimation selon laquelle en Union soviétique un chrétien catholique en moyenne était éloigné d’environ 15 km d’une église catholique, un orthodoxe 150 km. En Lituanie comme aussi en Galicie beaucoup d’églises catholiques et anciennement catholiques étaient ouvertes.
A la fin de l’ère Chruš’ov, donc avant le début de la Perestroika, il y a au total, dans 11 des 15 républiques soviétiques, 1065 communautés catholiques reconnues légalement: 630 en Lituanie, 179 en Lettonie, 2 en Estonie, 12 dans la république de Russie, 93 en Ukraine, 107 en Russie blanche, 2 en Géorgie, 4 en Moldavie, 31 au Kazakhstan, 3 au Tadjikistan, 2 au Kirghizistan.
Face à la politique de russification et d’assimilation forcée poursuivie par l’état, beaucoup de non-russes trouvent dans la foi catholique le moyen de préserver leur génie national et de permettre à leur conscience nationale de survivre. Le prêtre grec-catholique roumain A. Rusa [cité par Suttner, Kirche und Nationen, p. 101] se lamente en 1918: "… notre Eglise est devenue un véritable bouclier et une tour de défense pour notre caractère national… les luttes pour le maintien de notre caractère national ont créé l’étrange type de l’intellectuel roumain qui pour des raisons nationales était le plus zélé défenseur des catholiques sans se poser la moindre question quant aux devoirs religieux".
Cela vaut pour nombre de communautés du temps des tsars et des soviétiques.
Vue aujourd’hui, on peut dire que l’Eglise catholique d’Union soviétique a gagné en prestige du fait de sa distance envers l’état. Après la guerre froide l’"Ostpolitik" du Vatican s’est souciée d’avoir de meilleures conditions pastorales pour les catholiques dans les pays socialistes. Elle disposait en cela d’une position plus forte que les responsables des autres Eglises, qui avaient dû accepter auparavant des compromis plus importants. Mais les négociateurs du Vatican aussi durent alors, et encore aujourd’hui, s’entendre reprocher d’avoir pactisé avec le régime soviétique.

5. L’Eglise catholique dans la Fédération de Russie
Quelle est la situation actuelle de l’Eglise catholique en Russie? Il n’existe aucun évêché. L’unique évêché traditionnel serait Saratov, où l’évêque de langue allemande de Tiraspol siégeait. Cet évêché n’a pas été restauré, mais on a créé deux territoires administratifs provisoires, et pour cette raison il y a deux évêques. L’un habite à Moscou, un polonais, Tadeusz Kondrusiewicz, né en 1946 à Grodno. L’autre habite à Novosibirsk, un jésuite allemand, Josef Werth, né en 1952 à Karaganda. L’archevêque Tadeusz est administrateur apostolique pour la partie européenne de la Russie, l’évêque Josef administrateur apostolique pour la Sibérie.
Dans la partie européenne le nombre de prêtres est passé de 2 à plus de 100, en Sibérie à 150. Ils viennent du monde entier.
Le nombre de catholiques est difficile à estimer, certains parlent de 250.000 pour la partie européenne avec environ 110 millions d’habitants, et de moins d’un million pour la Sibérie avec environ 50 millions d’habitants (500.000 catholiques sur 54 millions d’habitants au Kazakhstan).
Au temps des tsars il y eut des débuts d’une vie ecclésiale catholique en Sibérie, lorsqu’après les soulèvements polonais, des catholiques polonais et lituaniens furent bannis en Sibérie. En 1890 et particulièrement en 1907-1913, les allemands de la Volga de Landmangel fondirent des villages catholiques en Sibérie. Le nombre de catholiques augmenta sensiblement lorsqu’après la deuxième guerre mondiale commencèrent les déportations en masse vers la Sibérie, allemands de Russie, ukrainiens, polonais, baltes. Ceux de langue allemande ont émigré en Allemagne, les polonais, les tchèques, les français, les hongrois sont restés là. Ils sont fortement passé à la langue russe dans les décennies de la fermeture, les liturgies sont majoritairement célébrées en russe avec tous les problèmes inhérents à la recherche d’un langage russe adéquat.
Il y a vingt ans, à la demande du métropolite orthodoxe de Leningrad Nikodim, nous avons établi une édition russe des textes de la Messe latine, soit disant pour servir de manuel aux deux facultés de théologie et aux trois séminaires de prêtres orthodoxes, en réalité aussi pour l’usage des prêtres catholiques. A peine était elle mise en service, que l’on vit apparaître des feuillets de modification écrits à la machine. Ensuite vint une deuxième traduction de Milan. Maintenant on en est à la quatrième ou cinquième – l’un trouve le langage utilisé trop soviétique, l’autre trop moderne, le troisième trop archaïque – là dessus nous sommes pleins de compréhension vu notre expérience des disputes autour de la traduction de la bible de Luther.
Beaucoup d’églises sont construites, aussi en des endroits où entre temps les catholiques sont déjà partis. Quelque homme d’affaire de l’ouest tranquillise sa mauvaise conscience de n’avoir rien fait pour l’est durant des années, en donnant de l’argent pour faire construire une église. Il existe un séminaire de prêtres à St. Pétersbourg, et à Moscou un collège St. Thomas pour des professeurs de religion et ceux que ça intéresse.
Dans son ensemble l’Eglise catholique en Russie aujourd’hui est vivante et active, en tout cas elle se voit constamment reprochée de faire du prosélytisme, d’attirer des croyants d’autres confessions. Il y a des séminaires, des cours, des conférences de partenaires catholiques de l’étranger dans le écoles, dans les universités, dans les centres de formation pour adultes.
Les catholiques autochtones et les quelques prêtres autochtones, par ex. les deux évêques, constatent avec effroi qu’à Rome un concile oecuménique a profondément transformé cela même pour quoi ils croyaient devoir rester fidèles à Rome, même au milieu des difficultés voire des persécutions. Après la Perestroika ils trouvent p. ex. un droit canonique qui depuis 1983 est en vigueur et qui pour ce qui concerne les orthodoxes signifie exactement le contraire de ce qu’ils ont encore appris dans le droit canonique de 1917: selon le code de 1917 canon 12, tous les orthodoxes et toutes les autres confessions chrétiennes contreviennent à la loi, parce que le droit de l’Eglise vaut pour tous les baptisés. Le code de 1983 dit au canon 11, que le droit de l’Eglise ne vaut que pour les baptisés en union avec le Siège romain.

6. L’exemple de la Galicie
La Galicie est aujourd’hui l’Ukraine de l’ouest, autrefois territoire autrichien et encore auparavant territoire polonais. Elle peut servir d’exemple pour les ombres et lumières dans l’ancienne et la nouvelle Russie tant au niveau de la multitude de langue, peuple et états, qu’au niveau confessionnel et religieux.
Il y a 400 ans, les chrétiens orientaux dans le royaume de Pologne voulaient affirmer clairement qu’ils se sentaient tout autant membre à part entière de l’Eglise universelle, catholique, à la foi orthodoxe, que les chrétiens d’occident en Pologne, les latins. Ils voulaient affirmer cela parce que l’unité de l’état polonais était vu comme unité des confessions et qu’ils voulaient utiliser cette unité contre la mission active des calvinistes. Pour cette raison les chrétiens orientaux tinrent un synode en 1596 à Brest, des messagers se rendirent à Rome et conclurent une union. Ils devaient expliquer à Rome: nous appartenons à l’unité de la catholicité universelle. A Rome régnait alors une théologie, qui ne reconnaissait une telle unité en plénitude que soumise au pape. A Rome on comprit donc cette déclaration des chrétiens orientaux en Pologne nous appartenons à l’unité de la catholicité universelle comme une prière acceptez nous dans l’unité de la catholicité universelle. Cela provoqua de graves tensions, les évêques de Galicie abandonnèrent le projet commun, à partir de ce moment là il y eut deux Eglises orientales en Pologne. Il faudra attendre un siècle pour que la Galicie affirme de nouveau sa totale unité avec Rome.
Dans les territoires qui passèrent sous l’autorité du gouvernement tsariste, les uniates redevinrent orthodoxes.
En 1944 la Galicie passa à l’Union soviétique. Après l’allocution de Noël du pape, lorsque Staline comprit que l’Eglise catholique n’était pas prête à soutenir sa politique ecclésiastique et sa politique de paix, il voulut anéantir l’influence du Vatican aussi Galicie. En 1945 il voulut traiter l’Eglise unie à Rome, de rite byzantin, comme le tsar l’avait fait: il voulaitt l’abattre. Mais il n’imita la politique ecclésiastique des tsars que dans le but à atteindre, pas dans la méthode. Les tsars avaient nommé les évêques et les prêtres, pour préparer la conversion ecclésiale, la police tsariste n’était là qu’en force d’appoint, à l’époque tsariste, il fallait deux ou trois générations pour faire passer les catholiques à l’orthodoxie.
Staline, lui, mobilisa brusquement la puissance policière. Il ne laissa pas à l’Eglise orthodoxe le temps d’essayer de convaincre les croyants uniates de la justesse de la conversion à l’orthodoxie. Il agit si habilement que les victimes de ces mesures policières brutales en attribuèrent la responsabilité principale aux prêtres orthodoxes. Au point que le patriarche de Moscou qui refusa de participer à cela, dut malgré tout se taire, et il fut et est encore aujourd’hui accusé par les catholiques uniates en Galicie. Une lettre du Patriarche Aleksij a été falsifiée, envoyée ainsi, au point qu’en Galicie et même en occident, aussi à Rome on a cru en son authenticité.
C’est seulement de nos jours que le prof. Suttner a mis en évidence que c’était un faux, p. ex. au moyen d’une analyse minutieuse du texte. Dans la soi-disant lettre du Patriarche les sacrements des catholiques étaient déclarés sans valeur. Cela aurait été une totale rupture avec l’histoire russe de la théologie. En 1755 les Patriarches grecs-orthodoxes avaient prononcé une telle condamnation. L’Eglise russe orthodoxe à l’époque ne s’était pas associée à cette condamnation de l’Eglise occidentale, elle fit connaître dès 1757 son opposition à la décision des grecs, en déclarant que les catholiques sont accueillis dans l’Eglise russe sans aucune répétition des sacrements. Au 19e siècle le métropolite Filaret (Drozdov) approfondit théologiquement cette directive. En décembre 1995 il fut canonisé. En 1931 et 1936, le métropolite Sergij confirma la pleine reconnaissance des sacrements catholiques. Cela facilita aussi les décisions de Vatican II. Le Patriarche Aleksij ne mentionne nulle part une variation par rapport à l’enseignement de son prédécesseur et aussi par la suite l’Eglise orthodoxe russe tient fermement à la validité des sacrements catholiques.
L’Eglise orthodoxe russe a accepté le 16.12.1969 les recommandations de Vatican II en ce qui concerne la communicatio in sacris. En 1986 elle a confirmé cette recommandation, mais elle la suspendit donnant pour raison qu’elle n’avait jamais été acceptée par les catholiques dans le patriarcat ; en réalité lors de la suspension de 1986, l’Eglise russe a cédé devant la protestation massive de l’Eglise grecque orthodoxe.
Les uniates en Galicie, en Ukraine n’ont pas soutenu Moscou. En 1986, aussi en Galicie on croyait encore à la légende de la participation du patriarcat de Moscou à l’oppression de l’Union en 1948.
L’évêque uniate ukrainien Ljubomir Huzar profita de sa conférence en 1994 au "congrès de l’Eglise en détresse" à Königstein, pour "remercier, expressément au nom de tous les uniates ukrainiens, l’Eglise orthodoxe russe, qui dans des temps difficiles et sous le poids de multiples suspicions a préservé nos structures ecclésiales uniates grec-catholiques au sein de leur structures orthodoxes en des temps de terribles persécutions."
En Galicie en 1918, il n’y avait pas une seule paroisse orthodoxe autochtone, en Russie il n’y avait pratiquement pas d’uniates. Avec les expulsions et les déplacements de l’époque stalinienne et post-stalinienne, cette situation a profondément changé.
En 1946, lorsque des millions de catholiques de Silésie et d’Ermland arrivèrent dans le nord de l’Allemagne protestant, il en jaillit une relation positive entre les évangéliques et les catholiques. En Russie ce processus de connaissance mutuelle entre orthodoxes et catholiques ne s’est pas encore suffisamment réalisé.

7. Les principes généraux
Tant que la communion parfaite entre catholiques et orthodoxes fait défaut, les Eglises-soeurs doivent venir à bout séparément de leur tâche commune, à savoir renouveler l’Eglise du Christ en Russie. Cependant elles doivent éviter la confrontation. Les principes généraux et normes pratiques pour la coordination de l’évangélisation et de l’engagements oecuménique de l’Eglise catholique en Russie et dans les autres pays de la C.É.I. du 1.6.1992 définissent des limites claires pour les activités pastorales catholiques en Russie (II, 2.) et exhortent les évêques catholiques à veiller à ce "qu’aucune activité au sein leur domaine de juridiction ecclésial ne court le danger d’être perçu comme une structure d’évangélisation parallèle. A ce propos, il est dit dans le c. 905 du Codex Canonum Ecclesiae Orienralium (CCEO), qu’un faux oecuménisme aussi bien qu’un zèle intempestif doivent être évités".
Les catholiques d’Union soviétique, qui sortent de la clandestinité, n’acceptent pas le concept d’"Eglises-soeurs" pour les évêchés orthodoxes, des évêques uniates ont protesté contre la confirmation du pape Jean Paul II en 1990 avant le synode des évêques à Rome, qu’une partie du troupeau du Christ est confiée aux évêques orthodoxes comme aux évêques catholiques. [Lettre aux évêques d’Europe du 31.5.1991, Paul VI dans l’église du patriarcat de Constantinople, le 25.7.1967 !] Des séminaires de prêtres en Ukraine et en Roumanie enseignent l’encyclique "Mystici corporis" de 1943 (et "Humani generis" de 1950): "…ceux qui dans la foi ou dans la direction sont séparés, ne peuvent pas vivre dans ce corps qui est un et de son esprit divin qui est un".
Beaucoup de gens, qui étaient loin de toute Eglise au temps des soviétiques, trouvent par hasard un contact avec l’Eglise catholique en Russie et voudraient y entrer, bien que leur ancêtres fussent orthodoxes. Les Principes mentionnent cela expressément et interdisent que le clergé catholique sollicite de telles entrées. Si des gens, d’eux-mêmes, en font la demande, le prêtre catholique en Russie est tenu de vérifier et de les amener à prendre conscience de leur obligations envers leur communauté d’origine (1,5).
L’Eglise russe, l’Eglise arménienne, l’Eglise géorgienne ressentent amèrement que, maintenant après des décennies de terreur par une puissance étatique athée, une Eglise-soeur attire à elle ces gens qu’elle ne pouvait pas accompagner dans le temps des persécutions. Au lieu d’accueillir dans l’Eglise catholique ces personnes trop peu accompagnées, le clergé catholique doit bien davantage assister l’Eglise orthodoxe selon ses propres forces. Les Principes disent: si les circonstances le permettent, les pasteurs de l’Eglise catholique doivent se mobiliser pour une coopération avec les évêques orthodoxes dans le développement d’initiatives pastorales de l’Eglise orthodoxe et se réjouir de pouvoir ainsi contribuer à la formation de bons chrétiens. (II/4)
Les évêques catholiques doivent informer les évêques orthodoxes de toutes les initiatives pastorales importantes, en particulier lorsqu’il s’agit de la création de nouvelles communautés paroissiales. (II/3)
Déjà le décret du 2e concile du Vatican sur la liberté religieuse met en garde devant (art. 4) toute forme d’agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête, ou simplement peu loyaux, surtout s’il s’agit des gens sans culture ou sans ressources. La fondation d’un home d’enfants est ainsi un point sensible. Si le clergé d’une Eglise – le plus souvent c’est le clergé catholique de pays étrangers occidentaux – est supérieur au clergé de l’autre Eglise tant au niveau de la formation culturelle que des moyens financiers, cela peut facilement conduire à des tensions.
Dans ces années apparaît peut-être une nouvelle distinction entre catholiques et orthodoxes en Russie, et l’on distingue entre une "confession riche" et une "confession pauvre". Il est naturel qu’en raison de l’émigration plus forte et de l’attachement émotionnel plus intense entre catholiques de l’ouest et ceux de l’est, les uniates reçoivent plusieurs fois en aide financière ce qui va aux orthodoxes. La lettre apostolique Orientale lumen dit à ce sujet au n° 23: Malheur à nous si l’abondance de l’un engendrait l’humiliation de l’autre …

8. Un rêve
"L’Eglise catholique en nouvelle Russie" – je conclus avec un rêve. Depuis sa fondation, la congrégation romaine pour la propagation de la foi a envoyé 1622 missionnaires dans l’empire ottoman. Ils n’avaient pas la mission de fonder des communautés séparées de catholiques, mais ils servaient comme prêtres dans les Eglises orientales sur place (chez les "orthodoxes", en langage d’aujourd’hui), ils étaient très estimés à cause de leur culture et de leur formation intellectuelle. Leur statut, sur le plan du droit civil, leur était aussi une aide.
Lorsque au 17e siècle l’orthodoxie, en beaucoup de parties de l’empire ottoman, fut dans une profonde détresse, l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe se mirent d’accord pour que des religieux latins viennent en aide à nombre de communautés orientales et que dans les églises ils apportent leur soutien pour la catéchèse, la prédication et pour donner les sacrements. Comme leurs confrères le faisaient dans les paroisses d’Occident, ils coopéraient en Orient dans la pastorale des communautés ecclésiales orientales. Faudrait-il qu’au 20e siècle, lorsqu’il s’agit de surmonter les séquelles de la persécution des chrétiens la plus brutale de tous les temps, il soit impossible de réaliser ce qui était possible au 17e siècle, lorsque les relations de l’empire ottoman provoquaient pour l’Eglise des problèmes moins graves?
Ne pourrait-on pas trouver éventuellement un règlement ecclésial qui aurait pour conséquence que sur le territoire historique du Patriarcat de Moscou, les évêques et prêtres des catholiques deviennent des coopérateurs du Patriarche de Moscou avec un statut particulier?
Peut-être que le droit des ordres religieux de l’Eglise catholique peut aider à trouver un règlement pour la communauté d’Eglises-soeurs de forme différente sur le même territoire. Les communautés religieuses catholiques sont autonomes. Elles suivent une vie spirituelle spécifique et la répandent. Les différences entre elles sont grandes, de sorte que le passage d’une communauté religieuse dans une autre est considéré comme fondamental et n’est possible que selon des règles strictes du droit canonique, bien qu’il n’y ait pas du point de vue ecclésial d’objections de conscience à un tel passage.
Chaque ordre décide lui-même de la mission de ses membres dans l’Eglise locale et établit pour ses membres dans ce service ses propres supérieurs. Tous les religieux aident dans les communautés humaines et en faisant cela cultivent les traditions spirituelles de leur propre communauté. Cependant ils rendent leur service sous l’autorité de l’évêque compétent du lieu.
De nos jours, après que les orthodoxes, arméniens, orientaux unis à Rome et Eglises locales latines ont enfin pris à nouveau conscience qu’elles sont Eglises-soeurs, elles devraient aussi comprendre que lorsqu’elles contribuent à la croissance de l’une d’entre elles, c’est l’Eglise du Christ, une et unique, qu’elles font ainsi progresser.


Klaus Wyrwoll
Ostkirchliches Institut
Regensburg